Si l’insuffisance et la fragmentation du cadre réglementaire lié au manque de financement ont longtemps entravé le développement du secteur des énergies renouvelables au Maroc, le Royaume dispose aujourd’hui de l’un des programmes d’énergies renouvelables les plus ambitieux dans la région MENA avec la mise en place d’un plan spécial pour les énergies propres basé sur le solaire, l’éolien et l’énergie hydraulique. L’une des importantes étapes de la libéralisation du secteur des énergies renouvelables au Maroc a été l’introduction de la loi n° 13-09 relative aux énergies renouvelables, promulguée par le Dahir n° 1-10-16 du 26 Safar 1431 (11 février 2010) visant à promouvoir et libéraliser le secteur des énergies renouvelables. La loi n°58-15 promulguée par le Dahir n° 1-16-3 du 12 janvier 2016 modifie et complète la loi n°13-09 et se donne pour objectif de pallier les insuffisances de la loi 13-09 précitée et de faciliter son application en vue notamment d’accompagner le développement du secteur, de l’adapter aux évolutions technologiques futures et d’encourager les initiatives privées. Les principaux ajouts et modifications apportés par la loi n°58-15 concernent les points suivants:
L’exclusion des projets dont la puissance électrique était supérieure à 12 MW du champ d’application de la loi n°13-09 constituait «une barrière pour l’exploitation du seuil maximal offert par les caractéristiques morphologiques et hydrologiques des sites de production»1. La Loi n°58-15 a ainsi augmenté le seuil de la puissance installée pour les projets de production d’énergie électrique de source hydraulique de 12 MW à 30 MW.
Si la loi n°13-09 a autorisé en 2010 la vente directe aux consommateurs via le réseau électrique national ou le réseau de distribution pour les réseaux de haute et très haute tension l’accès au réseau de moyenne tension était subordonné à la promulgation d’un décret ultérieur. L’accès au réseau basse tension n’était pas prévu par ce dispositif. La loi 58-15 ouvre aux producteurs d’électricité produite à partir de sources d’énergies renouvelables, la possibilité de raccordement aux réseaux électriques urbains et ruraux de basse tension et ce dans le but de favoriser le développement de la filière industrielle de petite et moyennes installations, notamment le photovoltaïque. S’agissant du réseau électrique national de moyenne tension, l’entrée en vigueur le 9 Novembre 2015 du décret n° 2-15-772 du 14 moharrem 1437 (28 octobre 2015) a permis de fixer les conditions et les modalités d’accès des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables à ce réseau moyenne tension. Pour autant, cet accès attend encore un arrêté conjoint du ministre chargé de l’énergie et du ministre de l’intérieur dont le but sera notamment de définir une « trajectoire » prédéfinie pour une période donnée; composée d’enveloppes exprimant le volume d’intégration des nouvelles capacités pour chaque zone de distribution et fixée en fonction des spécificités propres des régies-concessionnaires – Office National de l’Electricité et de l’Eau potable (ONEE).
L’avis de l’Agence du Bassin Hydraulique sera dorénavant pris en considération dans le processus d’autorisation provisoire pour la réalisation des installations de production d’énergie électrique à partir de sources d’énergies renouvelables. Avant la promulgation de la loi n°58-15, l’octroi de l’autorisation n’était soumis qu’à l’avis du gestionnaire de réseau national, dorénavant, la saisine, pour avis technique, de l’Agence du Bassin Hydraulique devient obligatoire.
Dans le cadre des installations connectées au réseau national de Haute Tension (HT) et Très Haute Tension (THT), la loi n°58-15 rend désormais possible la vente de l’excédent de la production électrique de sources renouvelables à l’ONEE (en complément des articles 25 et 26 de la loi 13-09). Il est toutefois précisé que Client brief rédigé par Christophe Bachelet, Managing Partner DLA Piper Casablanca, et Sarah Peuch, Collaboratrice Senior. l’exploitant ne pourra vendre «plus que 20 % en tant qu’excédant de la production annuelle» et que les modalités et les conditions commerciales de rachat de cet excédent «sont fixés par voie réglementaire».3 Par ailleurs, l’adoption du projet de loi n° 48-15 relatif à la création d’une autorité de régulation indépendante, l’Autorité Nationale de Régulation de l’Electricité (ANRE) devrait permettre d’achever la libéralisation progressive et organisée du secteur électrique et d’accompagner cette progression. Parallèlement à ces évolutions, les schémas et structures de financement des projets énergiques ont également évolué. Afin d’assurer la mise en oeuvre de la stratégie énergétique Marocaine, plusieurs réformes juridiques ont été entreprises notamment avec la loi n° 86-12 sur les partenariats publics-privés (PPP) et son décret d’application n° 2-15-45 du 13 mai 2015. Cette loi est fortement inspirée de l’ordonnance française du 17 juin 2004 sur les PPP mais adopte également l’approche du Private Finance Initiative britannique.
L’expérience marocaine a porté essentiellement sur les PPP dans leur acception «gestion déléguée» ou concession de services et ouvrages publics dans les secteurs marchands (équivalent BOT dans les pays anglo-saxons). Le schéma BOT ne dispose pas d’une législation particulière, mais s’inscrit dans le prolongement de la loi relative aux PPP. En effet, l’article 24 de la loi précitée dispose que «Les biens réalisés ou acquis par le partenaire privé, dans le cadre et pour l’exécution du contrat de partenariat public- privé et qui sont nécessaires à l’exploitation et à la continuité du service public, sont transférés de droit à la propriété de la personne publique à l’expiration du contrat de partenariat public-privé, quelle qu’en soit la cause». La structure contractuelle des projets énergétiques suit généralement le modèle classique du financement de projet dans lequel la société de projet est chargée du développement, de la construction, de l’exploitation et de la maintenance de la centrale, en partenariat avec des sponsors privés actionnaires. Le constructeur quant à lui conclut un contrat de construction (EPC) avec la société de projet et un opérateur en charge de l’exploitation et de la maintenance de la centrale (O&M).
Afin de sécuriser les investissements et assurer le financement de tels projets, la loi marocaine prévoit également plusieurs instruments tels que la cession de créances, le nantissement de comptes bancaires, le nantissement d’actions, le nantissement de matériel et d’équipement, le nantissement sur le fonds de commerce ou le transfert des indemnités de polices d’assurance. La loi prévoit également la mise en place de sûretés sur des actifs immobiliers y compris les prêts hypothécaires lorsqu’un droit réel est disponible sur le site concerné. L’essor du marché des projets énergétiques au Maroc devrait se poursuivre avec le perfectionnement de l’environnement juridique, institutionnel et financier relatif à ces projets.
(1) Note de présentation relative au projet de loi n°58-15.
(2) Cet accès est toujours subordonné à des conditions et modalités fixées par voie règlementaire.
(3) Les modalités et les conditions commerciales du rachat ne sont pas encore fixées au jour de la publication du présent article.
Source : https://leseco.ma/maroc/energies-renouvelables-les-apports-de-la-loi-n-58-15.html